Dignity does not consist in possessing honors, but in the consciousness that we deserve them.

Une chose qui n’avait pas changé depuis l’époque où il pouvait encore se rendre dans un grand restaurant et apprécier ses mets, c’était sûrement l’habitude qu’il avait à rencontrer de nouvelles et délicieuses créatures. Bien que marié, fut un temps, Nil n’avait jamais été un mari très fidèle. Ce soir-là, c’était une jeune demoiselle venant de San Francisco avec qui il discutait. Ah, les innocents flirts… Cette femme semblait également avoir un léger faible quant au petit accent allemand qu’il avait gardé de son pays natal. Utilisé avec finesse, il faisait toujours son petit effet. Là, sur le bord de l’East River, les lumières de la ville se reflétaient dans l’eau, ce qui leur donnait une vue imprenable et magnifique sur la ville de l’autre côté. Absolument tout était enchanteur, et à vrai dire, Nil y avait veillé. Quand il s’agissait de séduction ou de travail, il ne laissait jamais rien au hasard.

Au bout d’un moment, il vint se rapprocher d’elle, comme pour l’enlacer.

« Je vous en prie, n’ayez pas peur… »

Si la demoiselle se raidit immédiatement en sentant les canines de Nil contre la chair de son cou, elle sembla lentement de plus en plus détendue. Voilà une propriété bien pratique des dents de vampire, comme une drogue, méthodiquement injectée dans le sang de l’humain. Quelques secondes plus tard, Nil recueillit même un soupire d’aise dans son oreille, preuve que cette jeune femme commençait à y prendre du plaisir.

C’était une façon bien sensuelle de se nourrir, Nil pouvait bien admettre ça aux vampires. Lorsqu’il ôta ses dents, il s’essuya les coins de la bouche avec un mouchoir qu’il glissa dans sa poche avant de venir remettre l’écharpe de la demoiselle correctement autour de son cou. Elle allait bien, n’était même pas pâle… C’était important pour lui. Dès qu’il avait appris à se contrôler, il avait toujours veillé à laisser ses victimes en bonne santé, comme si de rien n’était. Elle partit quelques instants plus tard, non sans avoir laissé à Nil son numéro.

Esquissant un sourire, il la regarda filer… jusqu’à ce qu’un homme s’approche de lui. La vingtaine, probablement un humain à en juger par son odeur. Pendant un long moment, Nil resta passif, le regardant simplement, sans comprendre ce qu’il voulait. Ce n’était pas comme s’il le connaissait, après tout.

Et sa demande, aussi soudaine qu’impulsive, le fit lever les sourcils. Le mordre ? S’il l’avait vu à l’instant avec sa compagne de la soirée, il devait avoir deviné sa nature, mais plutôt que de s’enfuir en courant, prier pour être épargné, demander s’il connaissait un certain Edward Cullen, voilà qu’il lui demandait d’être mordu.

« Eh bien, en voilà une demande. »

Son ton était à moitié surpris, à moitié moqueur. Nil avait toujours mis un point d’honneur à respecter les bonnes manières, et voilà que cet inconnu venait lui demander ça comme ça, sans aucune forme de politesse. Cela dit, il semblait pressé, comme s’il avait réellement besoin de cette morsure… Et le voir gratter ainsi sa nuque vint confirmer ce qu’il commençait à penser.

« Mon garçon, je pense que tu devrais revoir ta méthode. Tu n’obtiendras jamais rien de personne avec de telles manières… »

Dignity does not consist in possessing honors, but in the consciousness that we deserve them.

Eh bien, voilà un jeune homme pour le moins direct... et sans doute également très audacieux. Même du temps où il était humain, rares étaient les étrangers qui s’adressaient à lui avec une telle familiarité. Pour être parfaitement sincère, cela amusait le noble, qui ne pouvait pas s’empêcher de lâcher un petit sourire. Alors comme ça, sa méthode fonctionnait ? Malheureusement il pouvait comprendre pourquoi : certains vampires étaient tellement dénués de manière que peu importait l’approche, tant qu’ils avaient un repas disponible, ils ne se faisaient pas prier. Nil n’avait jamais porté la culture vampirique dans son cœur, cependant il savait parfaitement reconnaître que certains se respectaient encore.

Ce qui n’était pas le cas de cet humain. Il venait là, supplier pour être mordu.

« Et cela t’arrive souvent de t’offrir de la sorte ? »

Il avança d’un coup, saisissant sa veste de ses poings. Bien que surpris par son geste, le vampire n’en montra rien, si ce n’était un évident froncement de sourcil. Cet idiot allait bien trop loin. Et tout ça pour quoi ? Se faire traiter comme de la nourriture ? Dans quel monde vivait-on, franchement... Il se retira, s’éloigna d’un pas, mais gardait sur lui toujours ce même regard insistant. Nil passa alors le revers de sa main sur les bords de sa veste, inspirant un coup – bien qu’il n’en avait guère besoin, étant un vampire –.

« Et dans le cas où je te mords, que se passera-t-il après ? Tu iras de nouveau supplier un autre vampire comme si tu n’étais qu’un bout de viande sans aucune fierté ni honneur ? » demanda-t-il sévèrement.

Les vampires aimaient croire que les humains leurs étaient inférieurs, qu’ils n’étaient que de la chair sur pattes... Cela rendait Nil malade rien que d’y penser. L’humanité méritait tellement plus que ça, tellement mieux. Et cet humain gâchait tout !

« Tu sais quoi, nous allons passer un marché toi et moi. Je te mordrai comme tu le souhaite, mais en échange, je veux d’abord que tu trouves un endroit plus privé que celui-là, et ensuite, après la morsure, nous discuterons. D’après ce que je vois, tu n’as pas le temps de réfléchir bien longtemps à tout ça, je te conseille alors d’accepter, ou d’aller voir un autre vampire que moi. Il va bientôt faire jour, je te conseillerai de te dépêcher... »

Dans le pire des cas, lui savait où rentrer. En autant cas il n’était en danger !