L
e froid commençait à être mordant, à New York. Après presque deux jours de repos bien mérités, Loëvann ressortait enfin de chez lui. Il s'en serait bien passé, mais il avait des bêtises à réparer, et des remerciements à prononcer. Les deux jours de congé avaient eu pour seul et unique but de vérifier que sa fille se remettait bien après avoir été
kidnappée par un vampire des moins charmants. Et à ruminer contre ce fameux buveur de sang, qui visiblement n'avait pas encore saisi que les humains n'étaient pas l'équivalent de distributeurs de boisson à volonté. Et à remercier le ciel et tous ses habitants qu'un vampire un peu plus sensé que les autres ait eu la décence de sortir sa blondinette de ce trou à rats.
Déposé par un taxi non loin de la planque des vampires, Loëvann enlève ses gants de cuir pour les fourrer dans la poche de son blouson épais. Il ne faisait que rarement usage de sa magie pour autre chose qu'allumer un feu dans la cheminée et faire pousser des fleurs, mais il avait suffisamment pratiqué dans son enfance pour ne pas se retrouver démuni.
Quoiqu'il n'avait pas nécessairement envie d'en venir aux mains. Mais, en êtres imprévisibles et facilement attirés par n'importe quel Mammifère ayant un cœur qui bat, les vampires pouvaient très bien le faire sortir de ses gonds. Quand il s'agit de la sécurité de sa fille, Loëvann sait depuis longtemps comment se faire respecter.
A peine arrivé en vue de la devanture abandonnée, le fée voit un jeune homme s'approcher de lui. Certainement un guetteur, avec cette guerre intestine ravageant les rangs des Chasseurs d'Ombres, plus aucune Créature Obscure ne se sent en sécurité. Et les vampires, avec leur vision clanique propre à leur espèce, étaient les premiers à avoir mis en place les contrôles nécessaires à leur sécurité.
Avec un ton sec et fort peu engageant, presque au point de montrer les crocs, l'inconnu lui demande de lui expliquer ce qu'il peut bien venir faire dans le coin. Ses oreilles pointues, invisibles pour la plupart des terrestres, ont rapidement été démasquées.
Je cherche Aslander. Dites-lui que c'est de la part de Milénie. Je compte rester ici, je viens de me gaver d'épinards, je suis certain que le sang d'un végétarien accompli n'intéresserait personne par chez-vous.Il affiche un franc sourire destiné à amadouer l'inconnu, mais l'effet est loin d'être celui escompté. Assez stoïque -peut-être sourd ?- le vampire reste planté devant Loëvann, le jaugeant. Dommage pour lui, le fée est un chouille plus grand. Jauger de bas n'a malheureusement rien de très intimidant, même avec des dents pointues et remarquablement blanches. A croire que le sang empêche la formation de tartre. Ou que Raphaël a récemment investi dans une entreprise mondiale d'hygiène bucco-dentaire.
Soufflant un bon coup et levant les yeux au ciel, Loëvann ne peut s'empêcher de faire voltiger la poussière du sol autour des charmantes bottines en cuir de son pseudo-interlocuteur. Suffisamment inoffensif pour qu'il ne lui saute pas à la gorge en prenant peur, mais suffisamment démonstratif pour le faire déguerpir avec un regard furibond. Allons bon. Un vampire vexé, on ne voit pas ça souvent. C'est plutôt amusant, d'ailleurs.
Enfin seul et visiblement éloigné de toutes bestiole aux dents pointues, le brun se dirige vers sa gauche, ou gît un muret tout autant en ruines que l'extérieur de l'hôtel. Il ne connaît cet endroit que de nom, ayant très peu de contacts avec le monde obscur, et il n'a aucun moyen de s'imaginer la décoration à l'intérieur. Mais vu d'ici, les vampires semblent avoir bien mauvais goût...
Rapidement, un bruit se fait entendre sur sa droite, en provenance de l'hôtel. Au moins, la vélocité des vampires sert à quelque chose de temps en temps. Se redressant de son muret, le fée retourne au milieu de la route déserte pour être certain d'être bien vu. Histoire qu'un deuxième vampire ne le prenne pas pour une menace à son tour...