Amara avait besoin de se changer les idées. Dormir avec Valentin sous ses pieds, c’était juste plus possible. Elle avait l’impression qu’elle allait exploser, et elle n’attendait qu’une chose : le transfert du monstre à Idris, pour qu’il soit enfin jugé et exécuter pour avoir causé la mort de son père. En plus du reste. La brune espérait d’ailleurs pouvoir en toucher deux mots à l’Inquisitrice en personne, histoire de lui faire comprendre qu’elle aimerait bien le tuer elle-même, de ses propres mains, et que c’était tout ce qu’elle désirait depuis… Et bien, depuis qu’elle était en âge de vouloir tuer des gens, en fait. Puis sérieusement, savoir que le meurtrier de son père était bien au chaud dans une cellule sous ses pieds… Y avait clairement mieux comme somnifère. En plus, avec l’arrestation de Valentin, la pression de l’Enclave s’était relâchée. Il y avait beaucoup moins de boulot, beaucoup moins de choses à faire, et donc beaucoup plus de temps libre. En soit, ce n’était pas une mauvaise chose. Mais la jolie brune n’aimait pas ne rien faire. Tourner en rond, ce genre de conneries, aller faire les boutiques, c’était pas du tout son truc. Il fallait qu’elle bouge au moins, à défaut de se rendre utile. Qu’elle sorte. Et c’était comme ça qu’elle s’était retrouvée à ce bar de Créatures Obscures. Qui heureusement pour elle acceptait aussi les Shadowhunters. Même si elle sentait légèrement qu’elle n’était pas la bienvenue. En même temps, Amara n’était pas connue pour être douce et gentille avec tout le monde. Et puis, ce n’était pas comme si elle en avait quelque chose à faire.

A peine entrée qu’elle s’était déjà installée au bar. Elle avait quand même fait l’effort de bien s’habiller, d’enfiler quelque chose d’un peu sexy, même si ça restait du noir. De toute façon, elle n’avait que ça dans son armoire. Les Shadowhunters portent mieux le noir que les veuves de leurs ennemis. On pouvait dire que la brune suivait cette règle à la lettre. En fait, la seule fois où elle avait enfilé quelque chose de coloré, c’était au mariage de sa mère, quand elle avait quoi… Cinq ans ? Quatre ans ? Et bien sûr, du blanc, à l’enterrement de son père. Mais cette fois-là, elle avait deux ans. Autant dire qu’elle n’en gardait que de vagues souvenirs qui en plus de ça n’étaient pas très agréables. Elle avait commandé quelque chose de fort. De la tequila. De toute façon, elle était pas venue ici pour rester sobre, mais bien pour se bourrer assez la gueule pour espérer dormir en rentrant à l’Institut. Si elle rentrait. Ça, c’était encore une autre histoire. La Whitelaw était peut-être fiancée, mais ce n’était certainement pas ça qui allait l’empêcher de prendre du bon temps. Elle avait été fiancée toute sa vie, de toute façon.

Mais pour l’instant, elle ne regardait pas vraiment les personnes qui se trouvaient autour d’elle. Elle avait surtout les yeux fixés sur son verre qu’elle n’avait pas encore vidés. Elle aimait bien attendre un peu avant de boire. Pourquoi ? Elle en savait trop rien. Une vieille habitude. Que son père avait aussi, de ce qu’on lui disait. Elle avait hérité ça de lui, comme pas mal de choses, au final. Elle s’en rendait bien compte, en voyant qu’elle ne ressemblait pas du tout à sa mère. Mais quelqu’un avait fini par attirer son attention. Une autre fille, qui était venue s’installer non loin d’elle. Une louve, qui elle non plus n’avait pas l’air en forme. Et qui devait avoir envie de picoler tout comme elle. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais Amara fit l’effort de la saluer à l’aide de son verre, avant de finalement en avaler le contenu, et retourner à ses occupations. Elle ne s’attendait pas à plus, en vérité. En général, les loups n’aimaient pas tellement les Shadowhunters, alors…

Distraction. Oublier ce qui était en train de se passer, et qui était enfermé, dans les sous-sol de l’Institut, encore en vie. C’était le but d’Amara pour ce soir. Parce qu’il lui fallait bien plusieurs litres d’alcool dans l’estomac pour espérer pouvoir fermer l’œil. Et c’était d’ailleurs pour cette raison qu’elle avait commencée avec quelque chose de fort. Peut-être même qu’elle n’allait pas rentrer, au final. Elle en savait rien. Les stéroïdes pour éviter de dormir, c’était peut-être la solution. Ou alors elle devrait peut-être se trouver un sorcier qui pourrait lui fabriquer une potion pour qu’elle n’ait plus jamais besoin de dormir. Ça devait bien exister ça, dans le Monde Obscure. Et ça lui paraissait beaucoup moins absurde que d’attendre de juger Valentin pour l’exécuter. Qui doutait de son sort, de toute façon ? Soit il serait exécuté pour haute trahison, soit il finirait sa vie enfermé dans l’une des cellules de la prison d’Alicante. Ou alors, on lui retirerait ses runes, et il serait banni du Monde Obscure. Ce qui lui vaudrait d’avoir toutes les Créatures Obscures au cul et de mourir complètement massacré, dans d’atroces souffrances. En fait, c’était certainement ce qu’il méritait, au final. Donc ouais, Amara était pour le retrait de ses runes et les Créatures Obscures qui se rendaient justice. Surtout que personne ne viendrait les embêter avec ça, que ça fasse parti de la Loi ou pas. Tout le monde voulait se débarrasser de ce mec. Et plus il souffrait, mieux c’était.

Mais ils devaient attendre. Attendre que l’Inquisitrice arrive. Que le Conseil décide de son sort. Trop de temps perdu, alors que les Membres du Cercle pouvaient attaquer l’Institut à tout moment. Et surtout, trop de temps à passer avec un meurtrier sous ses pieds. La brune ne pouvait plus le supporter. Alors elle était venue boire. Et saluer une fille à l’aide de son verre avant de se l’enfiler sans rien espérait de plus. Autant dire qu’elle ne s’attendait pas à ce que cette louve ne demande au serveur de lui servir un nouveau verre. Mais elle n’allait pas dire non. Et elle n’allait pas dire merci non plus, c’était pas son genre. Juste un hochement de tête. Qui voulait tout dire et rien dire. « Je ne suis pas comme tous les autres Chasseurs d’Ombres. » Et ça, elle l’avait bien remarqué. Amara ne disait même pas ça avec de la rancune. C’était un fait, elle était différente des autres Nephilims, parce qu’elle prenait son rôle très à cœur. Trop à cœur. Et elle le sentait au quotidien. « Les autres semblent surtout être bien trop à l’aise alors que notre version d’Hitler respire encore sous nos pieds. » Une grimace. Un nouveau verre qui traversait son œsophage. Et un signe au barman pour en avoir encore un autre. Une main passée dans ses cheveux, la brune les décollait de sa nuque histoire de laisser passer un peu d’air. Il faisait tellement chaud ici. Elle n’avait plus l’habitude de se rendre dans ce genre d’établissement.

Chose qui devait d’ailleurs se sentir. Mais depuis quelques années, depuis qu’elle prenait ses fiançailles plus qu’au sérieux, Amara avait abandonnée toute idée de s’amuser. Elle se devait de rester fidèle, même si elle n’était pas encore mariée. Mais elle en avait bien un peu marre de constamment suivre les règles. C’était fatiguant. Surtout quand les autres ne le faisaient pas. Elle en avait marre. Elle voulait vivre un peu. Et fuir cet homme qui lui donnait des cauchemars depuis qu’elle était enfant. « Et toi, qu’est-ce que tu fuis ? » La brune n’était pas dupe. Une fille qui venait boire seule dans un bar n’y allait pas juste pour passer le temps, mais bien pour fuir quelque chose. Elles fuyaient toutes les deux quelque chose, et c’était certainement pour ça qu’elles avaient cette conversation. Sans leurs problèmes respectifs, elles ne se seraient probablement jamais rencontrées.