Les journées semblaient se suivre en étant toutes plus chargées les unes des autres. Alors, aujourd'hui, j'avais décidé que j'allais prendre soin de moi. Pour une fois, juste une journée en ne voyant personne ! ... Sauf urgence, bien entendu. Et mon barman qui venait toquer à ma porte pour me dire que la livraison de bière n'était pas complète, ça ce n'était pas une urgence, il pouvait parfaitement se débrouiller. Après tout, je le payais bien assez pour que lorsque je n'avais pas envie, hé bien, que je ne fasse rien ! Entre Valentin, les sorciers qui commençaient à sérieusement flipper, les drames que nous avions traversé déjà... Alexander. Raphaël. Je n'en pouvais plus ! Allez, soufflons un peu. C'était donc parfaitement nu que j'étais allé me plonger dans ce bain bien chaud. J'y avais même mis quelques pétales de rose, des sels de toutes les couleurs, je nageais dans un arc en ciel moussant. Un petit verre de Bordeaux pour accompagner ça, un petit CD des meilleures chansons de la Scala, ce théâtre d'opéra à Milan, et j'étais tout simplement... Au paradis. J'aurais aimé y avoir certes une compagnie silencieuse, un être avec qui partager ces instants de tranquillité. Après tout, si j'avais deux baignoires côte à côte dans ma salle de bain, ce n'était pas pour rien. Certes, on y rentrait à deux dans une seule, mais pouvoir barboter à son aise avec une personne en face, c'était un plaisir que je m'offrais parfois. Mais je n'allais certainement pas faire mon difficile. Après tout, c'était moi qui avait décidé d'être tout seul ici. Et j'étais en sécurité, seul une personne proche de moi pouvait entrer, j'avais lancé suffisamment de protection pour pouvoir me permettre de somnoler.

Ce qui expliquait certainement pourquoi je n'avais pas entendu toquer de prime abord.

Mais lorsque j'entendis ma porte s'ouvrir durant une pause musicale, je levai la tête. Et la rebaissai une fois que j'entendis la voix de Catarina. Oh ! Elle venait me rendre visite ! J'étais ravi, mais d'un autre côté je n'avais clairement pas envie de bouger de là. Bon... Allais-je l'inviter ? Après tout, j'étais nu mais caché par la mousse, et puis Catarina faisait partie de ces personnes qui avaient pu le voir le meilleur comme le pire chez moi. Je n'étais même pas certain de disposer encore d'un centimètre carré de ma peau vierge de son regard. De plus, je n'étais pas comme le Magnus extérieur, celui qui était apprêté et maquillé. Là, j'étais totalement vierge du moindre artifice, après tout, si je me lavais, je n'allais pas être comme lorsque je faisais la fête, n'est-ce pas ? Alors, pour répondre à ses questions, je lançai tout simplement :

"Oui, je suis là ! Viens dans la salle de bain ! Par contre, je suis décent mais... Peut-être pas autant que tu l'imagines."

Je lâchai un petit rire espiègle. Elle pouvait venir, de toute façon. J'usai même de mes pouvoirs pour commencer à faire couler l'eau du deuxième bain de la pièce, pour faire venir un nouveau verre à pied pour un peu de vin aussi.

"Installe-toi, je t'en prie. J'ai tout ce qu'il faut : le savon, les pétales, les sels... Et même un petit paravent chinois si tu veux être timide. Promis, je ne regarderai pas. Tu as un peu de temps devant toi, n'est-ce pas ? Un bain fera du bien, j'en suis sûr."

Je savais que cela faisait longtemps que je n'avais pas vu Catarina, et j'aurais certainement fait un effort un autre jour, mais la complicité que nous avions me permettait de manquer à ce point à mes devoirs d'hôte. Quoique... Personnellement, si je rendais visite à Cata' et qu'elle me proposait de prendre un bain en discutant, je n'aurais certainement pas dit non. C'était follement original et amusant. ... Finalement, j'étais content d'avoir cédé à cette pulsion.

"Que je suis content de te voir tout de même, ma douce amie. Combien de temps depuis la dernière fois ? Quelques mois ?"

Je ris quelques instants, effectivement, la mousse ne permettait pas de définir une personne comme décente, mais après tout, ce n'était qu'une question d'interprétation... N'est-ce pas ? En réponse à son commentaire je n'avais fait que faire un sourire un peu fripon, après tout, elle me connaissait bien... Mais elle ne fit pas non plus la difficile, elle finit par m'imiter en se plongeant dans ce bain merveilleux. D'autant plus qu'elle prévoyait de m'embêter toute l'après-midi, voilà qui était merveilleux ! Nous allions rester dans ce bain jusqu'à devenir totalement frippés, comme les vieilles peaux que nous ne devrions jamais devenir, en toute logique. Et puis effectivement nous nous étions si souvent vus nus... Je me souvenais du nombre de fois où elle avait même pu me surprendre avec une conquête. Certainement pour cela qu'elle me demandait toujours si j'étais décent avant de se lancer dans une exploration de mon antre... Mais lorsqu'elle data notre dernière entrevue à la mort de Ragnor j'eus toutefois un pincement au coeur... Cela me rappela ce drame causé par une ordure qui ne savait pas s'arrêter, qu'on devait soi-même stopper. Et je n'osais avoir l'espoir qu'il était toujours là... Quelque part. Pas encore mort, mais... Je ne savais pas.

"Oui, Ragnor. Mon ami vert..."

Je pris tout de même une minute de silence. Je l'avais suffisament cherché, j'avais déjà fouillé chaque endroit où il aurait pu être caché. Je bus une gorgée de mon vin en sa mémoire, et je me retournai ensuite vers Catarina, avec un sourire affectueux sur les lèvres, histoire de lui montrer ma compassion. Nous étions tous proches, Raphaël avait dû être heurté lui aussi par sa disparition. Malheureusement nous devions aller de l'avant.

Mais à son petit sous entendu, je compris qu'elle parlait de mon bel Alexander. Je perdis légèrement un peu de mon sourire. Elle était sûrement dans une optique de me parler de ma relation avec lui, pour en savoir plus, sans arrière pensée... Mais moi j'avais en tête mon véritable fiasco. J'avais été trop loin dans l'expression de mes sentiments, de mes inquiétudes, et je l'avais pratiquement traîté de drogué qui replongerait, comme tous les autres. De ce fait, nous nous étions quittés un peu en mauvais terme l'autre jour et je faisais un peu profil bas. Et c'était pour cela qu'aujourd'hui je me cachais un peu dans cette baignoire, sous l'eau, histoire de me faire oublier, un peu. Cependant, je n'allais pas décevoir ma chère et tendre Catarina, et je pris une gorgée de vin avant de commencer à lui raconter par le menu ma rencontre.

"Vois-tu, il est des personnes que nous rencontrons et tout de suite, ça tilte, derrière le regard... Tu connais cette sensation je pense. Je n'oserais en dire plus mais... Il m'a plu, très vite. C'est un jeune Chasseur d'Ombre, il a ce petit quelque chose, qui... Je ne saurai pas dire."

Je l'avais immédiatement remarqué, à vrai dire. Dans l'ombre de ses coéquipiers, derrière Izzy, Jace, Clary. Il avait son arc et ses flèches, et je sentais que c'était l'homme qui couvrait les arrières de ses amis, celui qui avait véritablement l'étoffe d'un leader, d'un homme de la situation et... Surtout, c'était mon Pretty Boy. Mais je devais continuer l'histoire.

"Je l'ai courtisé, dans les règles de l'art, tu me connais... Mais il est un véritable défi. Et j'ai bien cru que j'allais le perdre... Vois-tu, les Chasseurs d'Ombres sont fatiguants avec leur sens des traditions et du sacrifice. Ils sont même épuisants. Et Alexander... Il a voulu épouser une femme pour la bien-séance."

On sentait bien dans mon ton ce que je pensais réellement de la bien-séance. Si je devais m conformer aux traditions, aux qu'en-dira-t-on, je ne serais tout simplement plus moi. Jusque dans mon appartement j'étais totalement anticonformiste. Et je ne pouvais pas accepter qu'Alexander, déjà lui même ancré dans les traditions, se sacrifie ainsi pour... Bah, pour rien, en fait.

"Je suis allé à son mariage pour tenter de le convaincre de ne pas faire ça. Et finalement ça a plutôt bien marché. Vois-tu, nous avons pu nous embrasser pour la première fois, et cela en public, Catarina. Il venait de me donner une sorte d'acceptation, d'accord à toute notre relation. J'étais heureux !"

En souvenir de ce baiser, j'eus un petit regard rêveur, que je perdis un peu quand il s'était agi de raconter la suite.

"Et là il y a quelques jours, je suis sorti de mes gonds, lorsque j'ai appris une chose par rumeur interposée. Je ne t'en ai évidemment pas parlé, il n'accepte pas trop que ça se sache, et ça se comprend. Il est devenu accro au Yin Fen. Il en est sorti, heureusement mais... Je lui ai sorti, grosso modo, que je n'avais qu'une crainte, c'était qu'il replonge. Il a une fierté... Il l'a mal pris. Et moi, je me cache, depuis. Un peu comme un enfant en faute, alors que je suis simplement une personne qui parle sans filtre. Un peu difficile à gérer mais... Je ne lâche pas l'affaire."

Lorsque Catarina déclara que j'avais le sens du spectacle, j'eus un rire. En effet, on m'appelait parfois Drama King mais j'étais ainsi, à toujours vivre les choses à fond. Je n'étais jamais dans la demi mesure, ça ne me ressemblait absolument pas. Par la suite, elle parla aussi de mon honnêteté, qui était appréciable mais m'attirait toujours autant d'ennuis. Je me souvenais même d'une fois où un loup garou m'avait demandé un avis sur sa tenue, pour l'acheter, et j'avais été dire que le rouge n'était clairement pas sa couleur, ça ne lui allait pas du tout. Il en avait été tant énervé qu'il avait manqué de se transformer au bout milieu du magasin. Catarina en avait ri durant au moins deux décennies, de cette anecdote. Et puis elle n'avait pas tort, les Lightwood avaient une longue lignée d'être centrés sur leur ego monstrueusement développé. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'Alexander en avait un mais... J'avais l'impression qu'il me repoussait réellement. Et cela me blessait, d'autant que j'avais perdu une personne chère à mon coeur à cause du Yin Fen et que je n'avais pas envie de revoir ça.

"On ne peut pas dire le contraire Catarina. Et pourquoi ne suis-je même pas surpris de t'entendre parler tout de suite des Lightwood ? La rumeur est donc si forte ?..."

J'eus un sourire, puis j'écoutai la suite. Elle avait raison. Le yin fen, venin de vampire, n'était pas une blague à laquelle nous pouvions rire, puis balayer d'une main. On pouvait arrêter mais les tentations étaient là, fortes. On ne s'en sortait jamais réellement, surtout lorsqu'on vivait proche du monde obscur. Cela m'énervait qu'il me laisse de côté, mais je ne pouvais rien faire d'autre qu'attendre. Alors, j'en étais là, à ruminer dans mon bain avant que Catarina arrive.

"Oh, et puis parlons d'autre chose, en fait. Ce n'est pas que ça m'ennuie mais je dois avouer que je ruminais avant que tu arrives, et maintenant que tu es là, je voudrais que nous soyons un peu plus joyeux."

Alors, je finis par récupérer un peu d'eau de mon bain avant d'en jeter sur Catarina, c'était totalement immature, mais je m'en moquais bien, j'avais envie de rire, de parler de choses positives, des choses qui ne faisaient pas souffrir. J'aurai bien assez de temps pour parler par la suite des souffrances, des peines de coeur. Après tout ce n'était pas la première, ni la dernière...

Donc, ainsi avec Catarina, nous fîmes exactement tout ce que nous faisions à chaque fois qu'on se voyait. Nous nous sommes amusés, je me suis ruiné pour grossir encore ma garde robe ainsi que mes décorations de l'appartement, et même nous avons partagé quelques sorts que nous avions découverts, durant nos pérégrinations à droite et à gauche. J'aimais ce genre de journées et soirée, qui se clotûra sur un bon petit plat que nous avons préparé à deux.

Ah, il n'en existe pas deux comme Catarina...