« Tes cheveux sont vraiment magnifiques. » Cet homme ne savait sincèrement pas complimenter qui que ce soit. J’ai presque pitié des pauvres idiotes ayant tombées dans le panneau. Je soupirais et forçais un petit sourire, voulant simplement qu’il arrête avec ses balivernes. « Est-ce que tu veux en boire un autre ? » Et il pointa le verre devant moi. Ah ! S’il croyait réussir à me saouler jusqu’au point où je deviendrais une victime docile, il se trompait royalement. Mais vu le nombre de jeunes femmes qu’il avait dû séduire, je me disais que le jeu en vaudrait la chandelle, surtout juste en imaginant son visage lorsqu’il découvrirait ma vraie nature. Je décidais donc de jouer la carte de la fille célibataire typique tombant pour le premier gars qui lui offrait de quoi boire. « Un ? Plus que ça, voyons! Tant qu’à faire la fête, autant en profiter! » Il rigola, heureux de voir que j’acceptais son offre, et commanda une certaine quantité d’alcool. Je les bus tous d’un trait, les uns après les autres. Le problème, c’est que pour une vampire comme moi, les boissons alcoolisées ne m’affectent pas. Je devais feindre l’enivrement. Je me réimaginais mes années d’adolescence, à faire la fête avec mes amies. J’imitais assez bien, du moins, puisque l’homme me cru. Il me transporta jusqu’à l’extérieur et puis dans sa voiture, stationnée dans le recoin le plus éloignée du bar miteux dans lequel on se trouvait. Bien vite, il me força à entrer et se mit à me caresser de manière plutôt inappropriée. Je le repoussais, cachant toujours le fait que j’étais bien moins saoule qu’il ne pourrait jamais l’être. Sa bouche puait l’alcool et son discours se faisait beaucoup plus hésitant. Mais il continuait de s’imposer et bientôt, il se retrouva par-dessus moi. Ma main se glissa alors sur la poignée de la portière et je l’entrouvris légèrement. « Laisse-toi faire, chérie. Je sais que c’est c’que tu veux. » Combien de filles avaient donc tombé dans le panneau ? Non mais sincèrement, c’est qu’il était horrible et ses mains se faisaient plus envahissantes. En voulant l’éloigner pour une énième fois, il m’agrippa les mains et les plaqua de chaque côté. Ses lèvres s’approchèrent alors des miennes et il m’embrassa. Concentré sur ce geste, sa grippe se fit moins forte sur l’une de mes mains et celle-ci vint claquer sa joue. Il fit de même et c’est en retournant mon visage qu’il remarqua mes dents. Ses yeux s’écarquillèrent, mais je ne lui laissais pas le temps de réagir. Je vins planter mes canines sur sa carotide et me bis à boire goulûment. Je ne m’arrêtais que lorsque je le vis devenir plus moue, évanoui, et le poussa du côté conducteur. Je m’essuyais ensuite les lèvres et allait sortir de la voiture, lorsque je ressentis la présence d’un autre individu, un vampire. Ne me dites pas que c’était Raphael. En me levant du banc, je m’adressais à quiconque se trouvait sur les lieux. « Qui est là ? Montrez-vous tout de suite, je ne suis pas reconnue pour ma patience. »

Cela ne faisait que quelques jours depuis ma rencontre avec Raphael, et rien que de sentir la présence d’un autre vampire dans les parages, j’en avais de terrible flashbacks. Je n’étais pourtant pas si sauvage que ça, je ne laissais jamais une de mes victimes mourir et mes attaques se faisaient dans la plus grande discrétion. Pourquoi diable me critiquer alors que je ne fais que répondre à mon besoin primordial, manger ? En sortant de la voiture, je me préparais tout simplement à une petite marche avant de retourner chez moi. Mais on dirait bien que le destin en avait décidé autrement et nos chemins allaient se recroiser. Question de ne pas être surprise pour une deuxième fois, je préférais de loin entamer la conversation en l’obligeant à sortir de sa cachette. Pourtant, à la place de Raphael, ce fut un jeune homme qui fit irruption, sortant de la noirceur. Il garda ses distances de moi, ce qui n’était probablement pas une si mauvaise idée. Après tout, il y avait plusieurs facettes à ma personnalité. De mon côté, je restais également sur mes gardes. Que me voulait-il ? Et pourquoi était-il venu me voir alors que je terminais à peine de manger ? J’eus ma réponse lorsque l’inconnu rétorqua que l’homme devrait être bon, à son odeur. Alors j’avais affaire à un vampire …. « Certainement pas un de mes meilleurs encas, mais juste pour le petit arrière-goût de vengeance que ça m’a laissé en bouche, ça en a valu la peine. » Je n’avais pas tué ma proie, même si j’en avais terriblement envie. Je ne saurais pas où cacher le corps, ou comment inventer une mort autre que celle de la morsure d’un vampire. « Cet homme a violer trop de femmes, et en a peut-être tuer plus d’une. Il ne mérite certainement pas mieux que la mort. » Je comblais doucement la distance qui nous séparait. Mes pas sinueux, comme un serpent qui se glisse, m’approchèrent de lui. « Si tu sais comment te débarrasser d’un corps, tu peux le vider. Il s’est évanoui trop rapidement, donc il doit avoir encore assez de sang pour combler ta faim. » Il n’y avait personne dans le stationnement. Puis en parlant si doucement, je me doute qu’on entende tout mon discours. « Je t’aiderais à le faire disparaître, si t’as un plan en tête, bien sûr. » Pourquoi lui faire autant confiance alors que je venais à peine de le rencontrer ? Eh bien, à la base, lorsque Raphael me rencontra dans de pareilles circonstances, il me rappela à l’ordre. Ce vampire-ci démontrait un peu plus d’entrain pour le sang.

Me prenais-je pour quelqu’un en qui on devait placer son entière confiance ? Non. Mes tendances impulsives, je ne les proposais à personne. De plus, je ne voulais pas que le blâme se pose sur moi. Mais si ce jeune vampire voulait se nourrir, je ne voyais pas pourquoi ce ne serait pas possible de cacher le corps. Le pauvre, on dirait qu’il n’avait pas mangé depuis un petit moment. Du moins, pas de sang frais. De l’entendre parler de Raphael me donna tout de suite raison. Lui taper sur les doigts, vraiment ? L’espagnol avait-il réussi à convaincre tant de vampires à devenir des moines ? « S’il te tape les doigts, c’est seulement parce que tu le laisse faire. Prends tes choses, occupe-toi de ta vie. Ou plutôt de ta non-vie. Elle t’appartient, il n’est pas à ta place. » Je n’appréciais pas spécialement Rapahel et ses idées un peu trop … comment dire … câlinous. Faire la paix avec les humains, jouer les gentils en faisant vœux de boire du sang en poche. Franchement ! On était des vampires. Pas des nounours en peluche.

Heureusement pour moi, ce vampire-ci avait la terrible envie de boire, de profiter de ce repas servis sur un plateau d’argent. Le voir s’approcher de l’homme encore assommé sur le banc me fit sourire, et sa proposition me plut beaucoup. « Si elle est abandonnée et qu’il n’y a pas de vente prévue dans les quelques prochains mois, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas utiliser le terrain. » En plus, ils pouvaient user de leur vitesse pour l’enterrer sans que l’on puisse les apercevoir traîner le corps. À deux, le travail se ferait en moins de deux. J’attendis donc patiemment qu’il se nourrisse, mais, une fois de plus, le nom de ce foutu espagnol remonta à la surface. Je ne cachais aucunement l’irritation que ça m’apportait. « Raphael, Raphael, Raphael, c’est tout ce qui te sort de la bouche. Est-il un seigneur ? Un roi ? Un chef proclamé ? Pas le mien, en tout cas. » Je murmurais par la suite, tel Ève tentant Adam. « Tu crois qu’il n’est pas retombé dans ces vieilles habitudes ? S’il te blâme, il devra se blâmer lui-même. » Offrant mon plus beau sourire, je répondis à sa dernière petite question sur un ton moqueur. « Il a tellement de chose à s’occuper … tu crois sincèrement qu’il s’inquiétera d’un petit humain, criminel de surcroit ? »